Des bières pour préserver le grand hamster

Se soucier de la survie du grand hamster d’Alsace, c’est bien ; le protéger en dégustant une bonne bière c’est encore mieux. Un réseau d’agriculteurs, malteurs et brasseurs bio alsaciens vient de lancer des bières labellisées « Grand hamster » dont la production aide à la préservation de l’animal.

Le grand hamster, animal par nature solitaire, parvient à faire naître de belles histoires collectives. On connaît depuis longtemps les mobilisations des défenseurs de la nature pour préserver l’animal, et voici que se fédère autour de la cause du petit rongeur une nouvelle communauté, et celle-ci, contrairement à sa nouvelle mascotte, est clairement animée par l’esprit de convivialité : la filière brassicole.

« On veut ramener de la positivité dans la préservation de la biodiversité, et pour ça, rien de tel qu’une bonne bière ! », se marre Francis Humann, céréalier bio à Ernolsheim-sur-Bruche et président de l’OPABA (Organisation Professionnelle de l’Agriculture Biologique en Alsace) et du GIE Grand Hamster d’Alsace, créé en 2022.

« Du champ à la chope »

Humann est l’un des maillons de cette chaîne de production qui va « du champ à la chope ». Les bières du grand hamster sont 100 % locales. L’orge pousse en Alsace, est transformé en malt à Bergheim dans la nouvelle malterie Maltala fondée l’an dernier par Lise Meinrath (et qui est la seule malterie artisanale d’Alsace), les houblons, évidemment, sont alsaciens, et les brasseurs impliqués, tous indépendants et trentenaires ou quadras, se répartissent sur toute la région : les brasseries Narcose à Scharrachbergheim (dans le Kochersberg), Bendorf à Strasbourg, L’Altruiste à Scherwiller (près de Sélestat), Humpaloch à Lautenbach-Schweighouse (près de Guebwiller) et des Quatre Pays à Hirtzbach (dans le Sundgau).

Le cahier des charges leur impose un thème en laissant l’espace pour les variations : les bières du Grand Hamster ont toutes le même malt comme ingrédient de base. Ensuite, à chaque brasseur de créer sa recette. La frimousse du rongeur local s’affiche donc sur une blonde houblonnée brassée par L’Altruiste, une Elsass Pale Ale signée Narcose, une IPA made by Bendorf, une blonde au lierre terrestre de s’Humpaloch et une lager des Quatre pays. Il y en a pour tous les goûts, comme on dit. Évidemment, aucun grand hamster n’a été maltraité pendant le brassage.

Au contraire, le but est d’aider à la préservation de l’animal et par extension de la biodiversité. Le grand hamster est à la fois une « espèce sentinelle » et une « espèce parapluie » : sa disparition est le signe que d’autres espèces (oiseaux, insectes…) ont aussi disparu, et les mesures qui le protègent permettent aussi de favoriser la présence ou le retour des mêmes autres espèces.

Cahier des charges

Protéger le grand hamster nécessite donc de respecter une certaine taille de parcelles, certains types de cultures, la présence d’un couvert végétal pendant la période où le petit mammifère n’hiberne pas (un champ découvert fait de lui une proie facile pour les rapaces qui aiment en faire leur quatre-heures)…

Un cahier des charges précis a été élaboré par le ministère de la Transition écologique dans le cadre de la PAC, et 220 agriculteurs alsaciens se sont engagés à le suivre. Ceux qui participent à la fabrication de cette bière bio à fines moustaches en font partie.

Une farine « Grand Hamster d’Alsace »

Tous les maillons de la chaîne, du bouton d’orge aux cuves des brasseurs, ont été soudés au printemps dernier par Bio en Grand Est. Le réseau d’agriculteurs bio réfléchit « depuis 6 ou 7 ans », à « valoriser des produits issus de productions favorables au grand hamster d’Alsace », explique Joseph Weissbart, directeur technique du réseau. « Au début, on pensait faire des bretzels à manger avec l’apéro », se souvient-il en souriant. C’est finalement la partie liquide de l’apéro qui a soudé le projet.

Ce n’est que le début, espère Joseph Weissbart. Une farine « Grand Hamster d’Alsace » a été lancée selon le même principe il y a un an. « Elle n’est pas vendue en grandes quantités, on a encore peu de recul », résume-t-il. « Pour l’instant, on étudie encore la faisabilité des produits « grand hamster », donc on ne veut pas se précipiter ». Le prochain est tout de même déjà en gestation : des biscuits, avec le concours d’Alsace Biscuit (Moulin des Moines). Ils seront en forme de hamster, évidemment.

DNA du 11 avril 2023

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